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L'amour
Germina Renardt
(nouvelle)
1997 |
J’ai fait encore quelques pas avant de m’arrêter.
Cette fois, le fil de mes pensées ne s’est pas brisé net, bien au contraire. Il s’est tendu, tendu, et ma rêverie a commencé à se dissoudre pour se fondre dans une réalité secondaire.
Ma promenade quotidienne qui, d’année en année avait fini par devenir la déambulation bucolique d’une somnambule s’était une fois de plus heurtée au premier plan du monde vivant, en avait éprouvé la molle mais ferme résistance. Ma langue s’était retournée d’instinct dans ma bouche pour retrouver sur mon palais le goût doux et amer de la résignation, avait hésité un moment, était redescendue pour caresser les dents, et mes papilles, alertées par l’absence des habituels signes du retour chez les vivants, avaient aussitôt transmis la nouvelle à mon esprit somnolent.
Un à un, mes sens étaient sortis de leur torpeur pour remonter vers la conscience, et l’un après l’autre, ils avaient découvert pour la première fois les contours précis d’une sensation nouvelle, à la fois douce et acérée.
Tout mon corps s’est réchauffé en une seconde, et au moment où mon cœur glissait dans la fournaise, je me suis figée sur la frange ténue de l’instant extatique.
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